22/12/2012

Bugarach, business de l'apocalypse et ineptie du journalisme

Vous l'aurez évidemment lu / vu / entendu 100 fois avant de le lire ici : Bugarach est ce petit village tranquille de l'Aude, paisiblement méconnu jusqu'à ce que les « believers » décrètent que c'est là-bas qu'il faudrait se cacher pour survivre à la fin du monde.


Depuis deux ans, les médias se bousculent à Bugarach. Effectivement, pourquoi pas se rendre sur place ? Prendre la température auprès des locaux, revenir avec des photos de cette commune à l'horizon transpercé par le massif des Corbières, tendre le micro à ceux qui croient en la fin du monde, interroger les commerçants alentours… c'est se rendre sur le terrain, c'est une des missions du journalisme, et c'est notamment ce qu'a fait VICE l'année dernière, avec ce reportage intéressant, étayé, et pour l'époque, réellement informatif. 

Quid de ces 2 derniers jours de mobilisation, frôlant l'absurde et le harcèlement pour les locaux ? Les 20 et 21 décembre qui viennent de s'écouler laissent un village fatigué, esquinté par les caméras et lassé par le ballet incessants des journalistes. 

Car le problème n'est pas tant qu'une rédaction s'intéresse à un instant T à Bugarach; le problème est que ces deux derniers jours ont tristement servi de colonie de vacances à une armada de journalistes moins mus par le désir d'information innovante et percutante que anesthésiés par le suivisme et l'agenouillement devant le buzz.

La pierre est-elle moins à jeter aux journalistes, misérables pions de l'information formatée, qu'à la profession qui accepte, avec tous les jours un peu plus d'aisance, de se soumettre à un agenda marketé ? Sans doute. 

En attendant, ils étaient bien drôles les Parisiens, tous entassés comme des adolescents essayant de trouver « le fun » dans une maison vide où il n'y a rien à faire, à s'auto-interviewer les uns les autres, pendant que le préfet se voyait dans l'obligation de déployer « les grands moyens » en prévision d'une situation « catastrophe » ! Qu'on se le dise : la vraie situation catastrophe, c'est celle de ce journalisme contraint de se regarder le nombril dans toute la bouffonnerie que supposent ces faux élans lyrico-médiatiques de piètre reportage. 

Chers confrères, Bugarach, si vous vouliez vraiment y aller… c'était peut-être n'importe quand sauf « le jour de la fin du monde », qu'il fallait le faire. Le reste de l'année par exemple; avec un angle plus honnête que celui de vouloir ramener du pittoresque à tout prix, un projet photo autre que celui d'immortaliser les collègues devant des champs, et le sincère objectif d'étudier le business de l'apocalypse, plutôt que de tristement revenir avec un article estampillé « au front » parce que rédigé le jour J.

Journalisme ou communication, qu'ils disaient.

3 commentaires:

Thibaut a dit…

MERCI

Marie a dit…

Carrément d'accord avec toi.
Le discours qu'on entend aussi, c'est le couplet "ah j'y suis allé pour mieux constater et critiquer la frénésie médiatique sur place"
AH OUAIS OK DUCON, ET TOI T'Y AS PAS PARTICIPÉ À LA FRÉNÉSIE MÉDIATIQUE ?

Claire a dit…

"Oh un champ, on n'en voit jamais à Paris"